Choisir d’investir au Portugal, c’est souvent bien plus qu’un simple calcul de rentabilité. C’est une histoire de lumière, de rythme de vie, de fiscalité… et de statut juridique. Résidence principale, résidence secondaire ou investissement locatif : derrière ces trois termes en apparence simples se cachent des réalités très différentes, qui impactent votre quotidien, vos impôts et vos perspectives de revente.
Avant de signer un compromis à Lisbonne, Porto ou dans l’Algarve, il est essentiel de bien cadrer votre projet. Car au Portugal, le type d’usage que vous faites du bien influe directement sur la fiscalité, les démarches administratives, les autorisations de location… et même sur la façon dont votre banque analysera votre dossier.
Pourquoi le Portugal attire autant les investisseurs européens ?
Le Portugal coche aujourd’hui beaucoup de cases aux yeux des investisseurs européens :
- Un coût de la vie (encore) inférieur à celui de nombreuses capitales européennes.
- Un climat doux et une qualité de vie qui séduisent retraités, nomades digitaux et familles.
- Un marché immobilier qui s’est fortement structuré, avec une demande étrangère soutenue.
- Un environnement politique relativement stable dans le contexte européen.
Mais cet engouement a aussi entraîné une réaction des autorités portugaises : encadrement partiel des locations touristiques, fin du célèbre régime fiscal des résidents non habituels pour les nouveaux entrants, restrictions du Golden Visa sur l’immobilier résidentiel…
Autrement dit, investir « comme en 2015 » est le meilleur moyen de se tromper en 2025. Tout commence par une question simple, mais déterminante : à quoi ce bien va-t-il vous servir concrètement ? Y vivrez-vous ? Y viendrez-vous seulement quelques semaines par an ? Souhaitez-vous le louer ? À l’année, en saison, en courte durée ? Chaque réponse oriente vers un statut différent.
Résidence principale au Portugal : changer de vie… et de centre d’intérêts fiscaux
Opter pour une résidence principale au Portugal signifie, dans la plupart des cas, s’y installer comme résident. Ce n’est pas un simple détail immobilier, c’est un véritable changement de centre de vie.
Concrètement, vous devenez résident fiscal portugais si vous remplissez l’une des conditions suivantes :
- Vous séjournez plus de 183 jours par an au Portugal, consécutifs ou non.
- Vous disposez d’un logement « en conditions d’habitation » au 31 décembre, laissant supposer une intention de résidence habituelle.
Cette bascule a plusieurs conséquences majeures.
1. L’impact sur votre fiscalité globale
En tant que résident fiscal portugais, vous êtes en principe imposé au Portugal sur vos revenus mondiaux (sous réserve des conventions fiscales bilatérales, notamment avec la France). Cela inclut :
- Vos salaires ou pensions.
- Vos revenus fonciers (y compris en France).
- Vos plus-values mobilières et immobilières, selon les cas.
Les règles ont évolué (notamment pour les régimes spéciaux de type « résidents non habituels »), et les gouvernements successifs ont adapté les avantages pour les nouveaux arrivants. Il est donc prudent de vérifier, à l’instant T, si un régime spécifique est encore accessible et dans quelles conditions.
2. Avantages et spécificités pour la résidence principale
Le statut de résidence principale peut ouvrir la porte à certains bénéfices ou allègements :
- Des conditions de financement parfois plus favorables auprès des banques portugaises (taux, durée, apport).
- Des régimes spécifiques en matière de plus-value lors de la revente, lorsque le produit est réinvesti dans une autre résidence principale, sous certaines conditions.
- Une appréciation différente de votre dossier par l’administration pour certaines démarches (santé, éducation, sécurité sociale).
À Lisbonne, j’ai rencontré un couple de Français, jeunes retraités, qui avaient initialement acheté « pour investir ». En réalité, ils passaient déjà six mois par an au Portugal, y avaient ouvert leur compte bancaire, transféré leur voiture… Sur le papier, leur bien était un « investissement », mais dans les faits, tout indiquait une résidence principale. Résultat : une situation fiscale brouillée, qu’il a fallu régulariser avec un fiscaliste, rétroactivement.
3. Un rapport différent au territoire
La résidence principale, c’est aussi s’inscrire dans le tissu local : inscrire ses enfants à l’école, comprendre le fonctionnement des services publics, dialoguer avec ses voisins… C’est un projet de vie à part entière, qui dépasse le cadre de la rentabilité stricto sensu. Si votre motivation majeure est l’optimisation fiscale, il est possible que la résidence principale ne soit pas le bon angle d’entrée, ou en tout cas pas le seul critère à considérer.
Résidence secondaire : un pied-à-terre à gérer avec réalisme
La résidence secondaire au Portugal séduit ceux qui veulent une échappée ensoleillée sans renoncer à leur ancrage principal dans un autre pays. C’est souvent le premier pas vers un engagement plus profond… ou pas.
1. Statut et usage : flexibilité, mais pas d’avantages « domicile »
En résidence secondaire, vous restez en général résident fiscal de votre pays d’origine. Le bien portugais :
- N’est pas votre domicile principal.
- N’ouvre pas les mêmes droits qu’une résidence principale au Portugal.
- Peut, dans certains cas, être partiellement loué quand vous n’êtes pas présent (à condition d’être bien au clair sur le régime de location choisi).
Fiscalement, vous serez imposé au Portugal sur les éventuels revenus générés par le bien (loyers) et sur certaines plus-values en cas de revente, tout en restant imposable dans votre pays de résidence sur l’ensemble de vos revenus mondiaux. Les conventions fiscales visent à éviter la double imposition, mais elles ne la suppriment pas toujours totalement : elles organisent un partage entre États.
2. Coûts spécifiques d’une résidence secondaire
Une résidence secondaire a ses charmes, mais aussi ses contraintes :
- Taxe foncière portugaise (IMI), dont le taux varie selon les municipalités.
- Frais de copropriété parfois élevés dans les résidences avec piscine, gardien, espaces verts.
- Coût d’entretien à distance : jardinage, petites réparations, gestion des sinistres.
- Assurance habitation, parfois renforcée pour les logements inoccupés une partie de l’année.
C’est souvent à ce stade que certains propriétaires se disent : « Et si j’en profitais pour louer quand je n’y suis pas ? ». La question est légitime, mais basculer dans un usage locatif, même partiel, change les règles du jeu.
3. Le piège de la « fausse » résidence secondaire
Si vous passez, en réalité, la majorité de votre temps au Portugal, que vos enfants sont scolarisés sur place et que vous y exercez une activité professionnelle, il devient difficile de soutenir que votre bien est une simple résidence secondaire. Les administrations fiscales, françaises comme portugaises, ne se contentent pas des mots, elles regardent les faits.
La résidence secondaire est donc un choix cohérent si :
- Vous venez ponctuellement, quelques semaines ou mois par an.
- Votre centre de vie (travail, famille, intérêts économiques) reste dans votre pays d’origine.
- Vous êtes prêt à assumer un bien qui peut coûter plus qu’il ne rapporte, si vous ne le louez pas.
Investissement locatif au Portugal : entre rendement et réglementation
Avec l’essor du tourisme et l’attractivité des grandes villes, l’investissement locatif a longtemps été l’eldorado portugais. Les lignes bougent cependant, sous la pression des pouvoirs publics et des habitants confrontés à la flambée des loyers.
Il faut d’abord distinguer trois grandes stratégies :
- La location longue durée (résidentielle).
- La location moyenne durée (étudiants, nomades digitaux, professionnels en mission).
- La location courte durée touristique (type Airbnb), soumise à des règles de plus en plus strictes.
1. La location longue durée : stabilité et simplicité relative
La location longue durée s’adresse aux résidents portugais (ou étrangers installés) qui cherchent un logement principal. Pour vous, investisseur :
- Les revenus locatifs sont imposés au Portugal (avec des taux et régimes qui peuvent varier selon la durée du contrat, les travaux réalisés, etc.).
- Le marché est solide dans les grandes villes universitaires et les zones à forte demande d’emploi.
- Vous êtes moins exposé aux changements fréquents des règles sur les locations touristiques.
Le revers de la médaille : des loyers moins élevés qu’en saisonnier et un encadrement juridique plus protecteur pour le locataire, qui impose d’être bien conseillé pour la rédaction du bail.
2. La location moyenne durée : une voie médiane séduisante
La location de moyenne durée (un à douze mois) attire de plus en plus :
- Étudiants Erasmus.
- Nomades digitaux travaillant à distance.
- Expatriés en phase de transition, avant de s’installer plus durablement.
Elle permet souvent un loyer supérieur à la longue durée, sans entrer pleinement dans le cadre de l’Alojamento Local (AL) pour les locations touristiques très courtes. Mais la frontière reste délicate, et certaines municipalités s’y intéressent de près. Là encore, un conseil local est précieux pour choisir le bon type de contrat.
3. La location courte durée touristique : séduisante mais encadrée
L’Alojamento Local, c’est le régime qui encadre les locations touristiques de courte durée au Portugal. Il a permis une explosion des offres… puis a été peu à peu resserré dans plusieurs grandes villes :
- Zones où aucun nouveau numéro d’AL ne peut être délivré (notamment certains quartiers centraux de Lisbonne et Porto).
- Obligation d’enregistrement, normes de sécurité, affichage du numéro AL sur toutes les annonces.
- Fiscalité spécifique, avec déclaration des revenus sous ce régime.
Un investisseur m’expliquait, un peu dépité, avoir acheté un appartement dans un quartier historique de Lisbonne en comptant sur la location courte durée… sans avoir vérifié la disponibilité d’un numéro AL. Verdict : impossibilité d’exploiter en saisonnier, redirection forcée vers de la moyenne ou longue durée, avec une rentabilité bien inférieure aux projections initiales.
4. Fiscalité et plus-value en cas de revente
En tant que non-résident, vous serez imposé au Portugal sur la plus-value réalisée lors de la revente de votre bien locatif, avec des règles qui diffèrent de celles applicables à une résidence principale. La France (ou votre pays de résidence) peut ensuite prendre le relais, selon la convention fiscale en vigueur.
Là encore, le statut du bien (locatif / résidence principale / secondaire) au moment de la vente, mais aussi l’historique de son usage, peuvent influencer le traitement fiscal. D’où l’importance de penser à la sortie dès l’entrée.
Résidence principale, secondaire, locatif : quelles grandes différences en pratique ?
Pour y voir plus clair, il est utile de comparer les principales dimensions affectées par le choix du statut.
1. Sur le plan fiscal
- Résidence principale : potentiels avantages sur certaines plus-values ; fiscalité mondiale au Portugal si vous devenez résident fiscal.
- Résidence secondaire : imposition au Portugal sur les revenus liés au bien et sur les plus-values, tout en restant résident fiscal de votre pays d’origine.
- Locatif : imposition spécifique sur les revenus locatifs (catégorie foncière, BIC local, AL…) et sur les plus-values, avec des régimes dérogatoires possibles selon le type de location et la durée.
2. Sur le plan réglementaire
- Résidence principale : contraintes surtout liées au droit des étrangers (titre de séjour) et au changement de résidence fiscale.
- Résidence secondaire : peu de contraintes, tant que vous n’en faites pas un usage locatif systématique ou intensif.
- Locatif : fort encadrement, notamment en courte durée (AL), avec des autorisations, enregistrements et contrôles possibles.
3. Sur le plan bancaire
- Les banques peuvent proposer des conditions différentes pour un bien occupé en résidence principale par l’emprunteur et pour un investissement locatif (taux, apport, garanties).
- Il est essentiel d’être cohérent entre ce que vous déclarez à la banque, à l’administration portugaise et à votre administration fiscale d’origine.
Comment choisir le bon statut pour votre projet au Portugal ?
Plutôt que de partir de la fiscalité, partez de vous. Quelques questions utiles :
- Combien de temps par an prévoyez-vous de passer au Portugal, réellement ?
- Votre centre de gravité (travail, école des enfants, proches) va-t-il se déplacer au Portugal à court ou moyen terme ?
- La dimension « rendement » est-elle prioritaire sur le confort personnel… ou l’inverse ?
- Êtes-vous prêt à gérer une activité locative (ou à en déléguer la gestion) à distance ?
Pour beaucoup d’investisseurs, le chemin ressemble à ça :
- Un pied-à-terre en résidence secondaire, pour tester le pays et le marché.
- Une montée en puissance vers un investissement locatif, une fois le cadre réglementaire mieux maîtrisé.
- Et parfois, après quelques années, un basculement vers la résidence principale, quand le Portugal cesse d’être une destination pour devenir un véritable chez-soi.
Le Portugal n’est plus l’eldorado fiscal sans nuance qu’il a parfois été présenté. C’est désormais un marché immobilier mature, avec ses opportunités réelles, ses secteurs à éviter, ses règles à respecter. La clé n’est pas de chercher le « montage parfait » mais de faire coïncider au plus près :
- Votre usage réel du bien.
- Le statut juridique et fiscal choisi.
- Votre horizon de détention (court, moyen ou long terme).
En articulant clairement ces trois dimensions, vous donnerez à votre investissement portugais ce qu’il mérite : une structure solide pour soutenir, durablement, le plaisir d’ouvrir vos volets sur l’Atlantique.
